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Chanter le gospel et le blues d’une même voix n’est pas l’évidence que l’on pourrait croire, tant ces deux là, si proches par leurs racines, sont longtemps restés irréductibles aux yeux de la communauté qui les a portées. Lea Gilmore a pourtant pris le parti de s’interposer, avec un sourire désarmant, dans cet éternel face à face entre la musique de Dieu et celle du Diable.
Combien de faux noms, de répertoires clandestins, de rédemptions et de défroquages – à l’exception d’un Blind Willie Johnson – avant que « Sister » Rosetta Tharpe ne soit enfin irrévérencieuse ou que le « Reverend » Gary Davis n’avance son blues sur la pointe des pieds. Et si les temps ont fini par changer, il n’en faut pas moins toute la légitimité d’une femme au dessus de tout soupçon comme Lea Gilmore pour qu’aujourd’hui encore une artiste puisse mêler les mots du Seigneur et les choses de la vie sans choquer certains publics. Peut-être d’ailleurs ne faut-il pas s’étonner que ce soit l’Europe qui ait, la première, plébiscité son répertoire iconoclaste.
Lea Gilmore, c’est l’histoire d’une jeune femme éprise d’idéaux qui devient chanteuse par vocation militante. C’est une récolte artistique presque tardive, au sens de ces vendanges tirées d’un raisin cueilli à son apogée. Et c’est une de ces voix capables – à l’instar d’une Etta James – de transmettre aussi puissamment les élans spirituels du dimanche matin que les fièvres sensuelles du samedi soir.
Fille unique entourée de quarante cinq cousins, très proche de sa mère, macrobiologiste, dont elle hérite du goût de la connaissance en développant très tôt une passion pour l’astronomie, Lea n’est pas une artiste de blues et de gospel par héritage. Si ses racines sont sudistes, c’est une éducation musicale classique, entamée dès l’âge de 11 ans – au piano, à la flûte et au xylophone – puis primée par le Conservatoire Peabody, qui lui fournit son premier terrain d’expression.
Plus encore que jouer du Chopin, ce qui l’attire, c’est de chanter. Ce qu’elle va apprendre à faire seule, après avoir été initiée par la Sœur Helen Daugherty qui dirige avec enthousiasme les chœurs de l’école catholique qu’elle fréquente.
Diplômée en science politique de la Morgan State University, où elle entretient sa voix sous la direction du Dr Nathan Carter, elle s’engage sur le terrain de l’action sociale militante, écrivant de nombreux articles sur les droits de l’homme et les relations entre les races, thèmes dont elle va devenir une ardente avocate dans son pays, mais aussi en Europe et en Afrique.Maître de conférence reconnu elle deviendra, un peu plus tard, vice-présidente de l’“American Civil Liberties Union”.
En parallèle, elle étudie l’histoire des musiques afro américaines et commence à s’investir en leur faveur à travers des écrits et des conférences. Si elle chante alors, c’est le plus souvent dans un cadre pédagogique, en soutien de ses interventions.
Mariée à 18 ans et bientôt maman, elle reste très active, monte sur les planches pour jouer des rôles, musicaux ou dramatiques, d’abord au théâtre et en vedette comme dans « Ain’t Misbehavin’ « , « Dream Girls » et « Purlie », puis par la suite comme soliste du Common Group Gospel Choir et finalement aussi comme chanteuse avec des influences revendiquées : Ma Rainey, Bessie Smith et Dinah Washington.
C’est en 2000, alors qu’elle fait des recherches en vue d’un projet de site sur Internet, qu’elle fait la connaissance du belge Marc Borms qui partage la même passion du gospel et s’avère, comme elle, un fervent admirateur du Mississippi Mass Choir et de James Cleveland. Il l’invite, à l’occasion d‘un voyage en Europe, à venir chanter dans la petite église de Aalst. Un promoteur, présent à cette occasion, suggère à Lea de venir se produire régulièrement en Europe.
La carrière artistique de Lea Gilmore va s’en trouver transformée. Bientôt sa réputation de chanteuse s’étend et sa vie bascule. Des salles de conférences vers celles de spectacles, mais aussi, en partie, du nouveau vers le vieux continent, du Maryland où elle continue de résider avec son mari David et leurs deux fils, Jonathan et Gabriel, vers l’Europe où un public est alors en train de se constituer autour d’elle.
C’est logiquement en Belgique, au cours de l’été 2001, que Lea enregistre un album de gospel : « Gospels for Damien – Let Your Light Shine ». Un témoignage de son engagement puisque les fonds récoltés vont à la Fondation Damien qui lutte contre la lèpre et la tuberculose. En 2002, elle se rend à Kinshasa, où elle donne un concert en soutien aux projets locaux de la fondation.
Sa volonté de mettre en valeur le patrimoine de la musique afro américaine ne faiblit pas pour autant et, en 2003, elle obtient le prix Keeping The Blues Alive on the Internet décerné par la Blues Foundation pour son site « It’s A Girl Thang ! Women and the Blues »
Sa propre carrière se dessine. Entre les chorales gospel et son trio blues, « Sangmele », qu’elle a constitué avec Henry Reiff (basse) et Walt Michael (guitare).
C’est en 2004 que Lea Gimore enregistre son premier album de blues « I Don’t Know Where You Are ». Elle revient l’année suivante en Europe, pour un second album caritatif en faveur de la Fondation Damien, « Somehow I made It », qui la présente accompagnée des Effata Gospel Singers.
En 2007 l’Ambassade de France et le Département d’Etat américain lui confient une tournée de conférences concerts dans l’hexagone consacrée à ses thèmes de prédilection, l’histoire de la musique afro américaine, le dialogue entre les races et les droits de l’homme.