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Il est venu à la lumière dans l’ombre d’Eric Clapton, a livré une poignée d’étincelles bleues gravées dans la mémoire des fans des sixties, composé « Black Magic Woman » puis plongé d’un coup dans un long chaos intérieur. A la tête du Fleetwood Mac original, Peter Green a marqué les mémoires au point d’être toujours considéré, et ce malgré la profondeur de son éclipse, comme l’un des plus fins guitaristes du blues boom anglais.
Ne fallait-il pas être singulièrement inconscient, ou déjà totalement frappé, pour oser relever le défi de succéder à Eric Clapton juste après que celui-ci soit devenu « Dieu » pour les fans hardcore d’un british blues alors triomphant ? Pourtant, quelques mois plus tard, les Bluesbreakers ont un nouveau chef d’œuvre, « Hard Road », et l’Angleterre tient son « Green God ».
Catalogué nouveau messie par les puristes, l’homme a pour lui de refuser la surenchère qui vient de saisir l’intrépide Albion. Pendant qu’Hendrix enfile des chapelets d’effet et que Clapton empile les murs de Marshall, Green, lui, se présente sur scène avec son petit ampli et un simple jack à brancher.
Un goût de l’effacement si prononcé qu’il va jusqu’à se cacher derrière les noms de ses accompagnateurs lorsqu’il crée Fleetwood Mac, le groupe à la sauce anglaise le plus impeccablement situé entre B.B King et Elmore James. Entre 1967 et 1970, avec trois albums, Fleetwood Mac confirme un Peter Green au jeu de guitare d’une beauté si troublante que beaucoup le placent alors au sommet.
Un mélodiste ce Peter Green. Pas de ceux qui balancent trois notes sur l’ouvrage pour simplement les tordre dans tous les sens afin qu’elles lâchent leur blues. Sobre certes, mais lyrique, plein de longues notes courbées et lentes qu’épouse un feedback clair et tout en retenue. Un jeu qui visite les tonalités mineures d’une manière à la fois détachée et pénétrante, se livrant à son meilleur dans de majestueux instrumentaux dont il s’est fait une spécialité (« The Super Natural »). Des constructions fluides et mélancoliques, servies par un son à part, qui flotte en son centre et nasille à la marge, résultat aussi inattendu qu’efficace d’une erreur de luthier au remontage des micros de sa Gibson Sunburst 1959.
Apothéose du blues boom londonien, le Fleetwood Mac version originale tient pendant trois ans une position a priori insensée, à la croisée de l’esprit downhome et de la jet set londonienne. « Black Magic Woman » et plus encore « Albatross » expédient Fleetwood Mac dans les charts et Peter Green chez les pop stars. Cet accès soudain de gloire et quelques excès acides vont alors avoir raison du trop modeste Green dont la santé mentale se dissout en quelques mois avant qu’il ne sombre, à l’aube des 70’s, tout aussi soudainement qu’il avait jailli de nulle part, quatre années plus tôt, pour sublimer le blues anglais.
Après plus de vingt ans d’errance intérieure, et à peine sauvé, Green réapparait à la fin du siècle, méconnaissable et fantomatique, quoique toujours capable, quand il rassemble ses forces, de livrer de belles lignes bleues. Une carrière erratique et une chienne de vie pour celui qui fait si souvent penser au meilleur de Clapton, par son jeu comme par sa voix, et dont la discographie de ce fait doit, tout autant que celle de « Slowhand », être manipulée avec précaution.