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Il parait presque trop hobo pour être vrai. Et Pourtant. Ce sexagénaire en salopette, qui balance un boogie rouillé sur une guitare à trois cordes, ravit la jeunesse et met les experts en porte à faux, est bien un ancien trimardeur passé par la belle étoile. Pas étonnant donc qu’il raconte comme personne, sur ses riffs aguicheurs, de drôles d’histoires vagabondes, des embrouilles de la rue, des choses un peu étranges vues de l’extérieur. Il n’est même pas nécessaire de tout croire de ce personnage romanesque, conteur malicieux et showman magnétique, pour succomber au charme décalé de Seasick Steve.
Son père jouait du piano boogie-woogie et Pee Wee Crayton travaillait dans le garage que tenait son grand-père sur la côte californienne. Des repères qui vont marquer le jeune Steve (Wold de son vrai nom) qui renonce au piano paternel et apprend la guitare avec K.C Douglas – le fils spirituel de Tommy Johnson tout de même – alors qu’il n’a encore que huit ans. A treize, et ses parents divorcés, il s’enfuit du domicile de sa mère et surtout des pattes du type un peu trop violent qui vit avec elle. Un choix qui met l’adolescent sur la route. Pendant des années il sillonne le Mississippi et ses environs en sautant d’un train de marchandises à l’autre pour aller bosser, au noir, dans des fermes isolées, des chantiers temporaires où sur quelque fête foraine.
Au début des sixties, Steve commence à chanter dans les rues. De retour sur la West Coast, il débarque à Haight Ashbury dans un San Francisco envahi par les hippies. Il croise Janis Joplin et Joni Mitchell et se retrouve à fricoter parmi les musiciens, tâtant petit à petit du côté de la technique où il se fait la main lors de quelques sessions studio. A l’occasion, il croise aussi des géants du blues : Son House, Lightnin’ Hopkins et Freddy King.
En 1972, à trente berges et avec cent dix dollars de côté, il se paye un charter pour Paris qui lui en laisse dix en poche quand il débarque à Roissy. Une bonne âme le dépose à Saint-Germain. A partir du lendemain, et chaque matin, on le retrouve à chanter dans le métro, pour gagner sa pitance quotidienne. La nuit, il dort dans les jardins publics où quelque chambre de passe.
Puis Steve revient dans le Tennessee et abandonne le vagabondage comme mode de vie permanent. Trop dangereux. On est en 1973 et les vingt ans qui suivent ne changent pas radicalement son quotidien, fait de coups de main pour des prises de son et de piges comme musicien d’appoint. Dans les années 80, il traverse à nouveau l’océan et on le retrouve cette fois en Angleterre, à Londres puis dans le Lancashire, avec Elisabeth qu’il a épousée en 1982. A son retour, il commence à récupérer un peu de matériel d’enregistrement avec l’idée de monter un petit studio.
C’est ce qu’il va faire au début de la décennie suivante, alors que la famille s’est installée à Olympia, près de Seattle, à la recherche d’un peu de fraîcheur pour sa femme norvégienne. En pleine émergence du rock grunge, Steve Wold côtoie Kurt Cobain, qui vit à l’étage du dessus. Il travaille avec des groupes de rock alternatif comme Bikini Kill et Modest Mouse dont il produit en 1996 l’album « This Is A Long Drive Fo Someone With Nothing To Think About ». Chez lui, il continue de jouer sa propre musique, sans penser un instant qu’elle puisse intéresser quiconque.
A cette époque, il fréquente R.L Burnside. Ce dernier, encore inconnu en dehors d’Holly Springs, reçoit souvent la visite d’un jeune gars, Jon Spencer, figure de proue naissante d’un garage rock revival. Pour Burnside, Spencer est un gamin sympa mais qui ne sait pas jouer le blues. « Tais-toi », lui dit Steve, « il va te faire sortir de ce trou ». C’est ce qui arrivera. En attendant les deux anciens – Wold a déjà plus de cinquante ans et RL pas loin de soixante dix – grattent de temps en temps devant des jeunes fans de rock qui arrondissent les yeux devant leurs bottlenecks, déclarent détester le blues mais adorer ce qu’ils font.
En 2001, Steve rejoint la Norvège et installe la famille à Notodden, près des origines d’Elisabeth. Ils vont vivre là quelques années. C’est lors d’une virée entre les côtes norvégienne et danoise, sur un de ces ferries détaxés bondés de clients en quête d’alcool pas cher, que Steve est victime d’un « mal de mer » carabiné qui lui vaut au retour son drôle de surnom. Pas très emballé mais finalement obligé de faire avec, le voilà désormais devenu « Seasick Steve ».
A maintenant soixante ans, Steve veut, au moins une fois dans sa vie, figurer sur un disque. C’est ce qu’il fait en 2003, avec les Level Devils, une rythmique suédoise composée de Jo Husmo (contrebasse) et Kai Kristoffersen (batterie). L’album, intitulé « Cheap», paraît en 2004. Des blues sans apprêts qui semblent arrivés trop tard et sonner trop rugueux pour attirer l’attention, mais tapent dans l’oreille de quelques britanniques qui vont garder Steve à l’œil.
Rien de bien sérieux malgré tout. Surtout que derrière ça, Wold est secoué par une méchante crise cardiaque. Remis sur pied, mais les idées un peu noires, il rejoue ici et là, sans retrouver la flamme. Jusqu’au jour où des promoteurs irlandais lui proposent de venir chanter à Belfast. Lui hésite, eux insistent, et sa femme, qui le voit tourner en rond, le pousse finalement à se lancer dans l’aventure.
En Irlande, seul sur scène, Seasick Steve fait un tabac. De retour en Norvège, Elisabeth lui suggère de s’enregistrer. C’est ce qu’il fait, pour qu’elle ait un souvenir, au cas où… Et il s’installe dans leur cuisine, devant un vieux micro des années 30 branché directement sur un magnéto quatre pistes. Cela donne treize titres sur des guitares bricolées, avec des cuillères entrechoquées et, de temps en temps, son fils à la batterie qui joue dans la pièce d’à côté.
Bronzerat Records va en faire le premier album solo de Seasick Steve, « Dog House Music », qui parait en novembre 2006. Dans la foulée, Joe Cushley, le DJ de l’émission Ballin’ The Jack Blues Show sur la web radio londonienne Resonance FM, passe les titres de ce type dont il se rappelle avoir fait la connaissance par hasard. Quelques jours plus tard, la BBC téléphone à Steve pour l’inviter à venir interpréter son « Dog House Boogie » en direct dans le show du jour de l’an de Jool Holland, le New Year’s Eve Hootenanny. Et là, tout va changer.
Son passage fait un malheur, dans le studio comme à l’antenne. L’extrait vidéo met aussitôt le feu à Internet et, de bouche à oreille, les surfeurs découvrent avec avidité les titres bien ficelés de ce drôle de bonhomme au regard malicieux, armé d’une guitare saturée de fuzz et qui tape du pied sur une espèce de boite à chaussure. Le culte est en marche et le site de Steve explose sous les connections.
L’album dépasse les 150 000 exemplaires. Seasick Steve devient le nouveau venu le plus âgé jamais révélé en terre britannique, toutes catégories confondues. 2007 confirme la percée anglaise et il est désigné révélation de l’année aux Mojo Awards. Il truste désormais les affiches des festivals rock (Reading, Leeds, Glastonbury,…). Sa popularité continue de faire le tour du net et, à partir de 2008, des scènes du monde entier commencent à réclamer le vagabond bluesman, sa bonhomie joviale et son groove irrésistible.
On le retrouve au Japon, en Australie, en Europe,… Du coup, la bougeotte le reprend. Avec sa femme et ses cinq fils, ils refont un aller retour avec l’Angleterre avant de s’installer à Norfolk, pour une rentrée au pays qui ne fixera pas complètement ces voyageurs qui comptabilisent cinquante neuf lieux de résidence à leur compteur.
En 2008, une major propose un contrat à Seasick Steve. Warner Music sort en octobre 2009 l’album « I Started Out With Nothin’ And I Still Got Most Of It Left ». La veine est la même, les moyens un peu plus consistants. Steve est soutenu par la batterie de Dan Magnusson, qui l’accompagne souvent sur scène. Quelques célébrités font même une apparition : la voix de Nick Cave et la guitare de KT Turnstall. Le tout reste très roots, avec quelques touches gospel qui viennent patiner la rugosité générale.
Même si sa musique ne s’étale pas au grand jour, ce deuxième album dépasse les 200 000 exemplaires et 2009 confirme le succès de Seasick Steve auprès d’un public jeune arrivé jusqu’à lui par le la vogue des minimalistes punk blues (White Stripes, Black Keys,…).
Du coup, le camping-car de Seasick Steve continue de se faufiler entre les luxueux bus de tournée des rocks stars, sur les grands festivals européens. De Hyde Park au Royal Albert Hall, l’homme à la casquette de golf poursuit son marathon des scènes anglaises. Il est devenu un des meilleurs remplisseurs de salles des îles britanniques. Au milieu de la prolifération des groupes suréquipés c’est souvent lui qui remporte le morceau, avec des boogies malins accrochés à des riffs aussi répétitifs que saturés, et des blues à l’ancienne, profonds et acoustiques, tirés à coup de slide bruissante, le tout sur des instruments customisés, plus pittoresques les uns que les autres.
Malgré ce succès, l’ancien hobo conserve ses habitudes de vieux loup solitaire et garde jalousement des manières marginales, devenues par ailleurs sa marque de fabrique. C’est ainsi que, nominé aux Brit Awards, Seasick va se détendre juste avant la cérémonie dans les couloirs du métro londonien où il joue deux morceaux et ramasse quelques livres avant de déclarer filer à la soirée pour boire un bon coup, sûr qu’il est de ne pas avoir de discours à faire.
L’ancien clochard, devenu la coqueluche des shows branchés, fait même l’objet d’un documentaire sur BBC 4, “Seasick Steve: Bringing It All Back Home”. Tout le monde est suspendu aux histoires qu’il raconte avec une gouaille sans pareil et qui fleurent bon des aventures d’un autre temps. C’est justement sous le titre de “Man From Another Time” que son troisième album sort en octobre 2009.
Au fil des shows, Seasick Steve a peaufiné une mythologie personnelle impeccable. A commencer par l’histoire de sa guitare, une Fender Coronado dont il a enlevé la moitié des cordes pour donner assez d’espace à son jeu sursaturé. Cette « Three String Trance Wonder » qui, à ce qu’il raconte, lui a coûté 75 $ alors qu’elle n’en valait que 25, mais à laquelle il doit son succès parce qu’elle est ensorcelée ! Un ancien propriétaire, peu familier avec les choses de l’au-delà, l’avait abandonnée pour cette raison – et sans rien en révéler – au magasin de bienfaisance où son revendeur l’avait récupérée. En réalité l’objet décorait le mur d’un de ses amis avant qu’il ne lui en fasse cadeau ! Même Tommy Johnson, l’inventeur originel du coup du diable donnant des leçons de blues à des carrefours obscurs, n’avait pas pensé à celle-là.
Le public, lui, est subjugué, harponné par le beat hypnotique, chamboulé par les blues mélancoliques chantés de cette voix traînante et enrouée, battue par le vent – un “mélange de gravier et de mélasse” – qui donne à ses histoires une résonance à vous retrousser la peau.
Désormais Seasick Steve s’est fait une place bien à lui dans le paysage musical. Quelque part entre une tradition blues qu’il ne revendique pas – mais pratique avec un savoir faire qu’on croyait oublié – et une mythologie routarde dont il possède toutes les clés.
Arrivé du diable vauvert, Seasick Steve remplit aujourd’hui les bacs blues des disquaires et fait chauffer les moteurs de recherche sur la toile. Il prend ce succès comme il vient, et pour ce qu’il est, imprévisible et éphémère. Le vieux routard sait de quoi la vie retourne et ne se laisse pas complètement embarquer. En attendant, l’ancien hobo peut maintenant se payer la première classe.
Il parait presque trop hobo pour être vrai. Et Pourtant. Ce sexagénaire en salopette, qui balance un boogie rouillé sur une guitare à trois cordes, ravit la jeunesse et met les experts en porte à faux, est bien un ancien trimardeur passé par la belle étoile. Pas étonnant donc qu’il raconte comme personne, sur ses riffs aguicheurs, de drôles d’histoires vagabondes, des embrouilles de la rue, des choses un peu étranges vues de l’extérieur. Il n’est même pas nécessaire de tout croire de ce personnage romanesque, conteur malicieux et showman magnétique, pour succomber au charme décalé de Seasick Steve.
Son père jouait du piano boogie-woogie et Pee Wee Crayton travaillait dans le garage que tenait son grand-père sur la côte californienne. Des repères qui vont marquer le jeune Steve (Wold de son vrai nom) qui renonce au piano paternel et apprend la guitare avec K.C Douglas – le fils spirituel de Tommy Johnson tout de même – alors qu’il n’a encore que huit ans. A treize, et ses parents divorcés, il s’enfuit du domicile de sa mère et surtout des pattes du type un peu trop violent qui vit avec elle. Un choix qui met l’adolescent sur la route. Pendant des années il sillonne le Mississippi et ses environs en sautant d’un train de marchandises à l’autre pour aller bosser, au noir, dans des fermes isolées, des chantiers temporaires où sur quelque fête foraine.
Au début des sixties, Steve commence à chanter dans les rues. De retour sur la West Coast, il débarque à Haight Ashbury dans un San Francisco envahi par les hippies. Il croise Janis Joplin et Joni Mitchell et se retrouve à fricoter parmi les musiciens, tâtant petit à petit du côté de la technique où il se fait la main lors de quelques sessions studio. A l’occasion, il croise aussi des géants du blues : Son House, Lightnin’ Hopkins et Freddy King.
En 1972, à trente berges et avec cent dix dollars de côté, il se paye un charter pour Paris qui lui en laisse dix en poche quand il débarque à Roissy. Une bonne âme le dépose à Saint-Germain. A partir du lendemain, et chaque matin, on le retrouve à chanter dans le métro, pour gagner sa pitance quotidienne. La nuit, il dort dans les jardins publics où quelque chambre de passe.
Puis Steve revient dans le Tennessee et abandonne le vagabondage comme mode de vie permanent. Trop dangereux. On est en 1973 et les vingt ans qui suivent ne changent pas radicalement son quotidien, fait de coups de main pour des prises de son et de piges comme musicien d’appoint. Dans les années 80, il traverse à nouveau l’océan et on le retrouve cette fois en Angleterre, à Londres puis dans le Lancashire, avec Elisabeth qu’il a épousée en 1982. A son retour, il commence à récupérer un peu de matériel d’enregistrement avec l’idée de monter un petit studio.
C’est ce qu’il va faire au début de la décennie suivante, alors que la famille s’est installée à Olympia, près de Seattle, à la recherche d’un peu de fraîcheur pour sa femme norvégienne. En pleine émergence du rock grunge, Steve Wold côtoie Kurt Cobain, qui vit à l’étage du dessus. Il travaille avec des groupes de rock alternatif comme Bikini Kill et Modest Mouse dont il produit en 1996 l’album « This Is A Long Drive Fo Someone With Nothing To Think About ». Chez lui, il continue de jouer sa propre musique, sans penser un instant qu’elle puisse intéresser quiconque.
A cette époque, il fréquente R.L Burnside. Ce dernier, encore inconnu en dehors d’Holly Springs, reçoit souvent la visite d’un jeune gars, Jon Spencer, figure de proue naissante d’un garage rock revival. Pour Burnside, Spencer est un gamin sympa mais qui ne sait pas jouer le blues. « Tais-toi », lui dit Steve, « il va te faire sortir de ce trou ». C’est ce qui arrivera. En attendant les deux anciens – Wold a déjà plus de cinquante ans et RL pas loin de soixante dix – grattent de temps en temps devant des jeunes fans de rock qui arrondissent les yeux devant leurs bottlenecks, déclarent détester le blues mais adorer ce qu’ils font.
En 2001, Steve rejoint la Norvège et installe la famille à Notodden, près des origines d’Elisabeth. Ils vont vivre là quelques années. C’est lors d’une virée entre les côtes norvégienne et danoise, sur un de ces ferries détaxés bondés de clients en quête d’alcool pas cher, que Steve est victime d’un « mal de mer » carabiné qui lui vaut au retour son drôle de surnom. Pas très emballé mais finalement obligé de faire avec, le voilà désormais devenu « Seasick Steve ».
A maintenant soixante ans, Steve veut, au moins une fois dans sa vie, figurer sur un disque. C’est ce qu’il fait en 2003, avec les Level Devils, une rythmique suédoise composée de Jo Husmo (contrebasse) et Kai Kristoffersen (batterie). L’album, intitulé « Cheap», paraît en 2004. Des blues sans apprêts qui semblent arrivés trop tard et sonner trop rugueux pour attirer l’attention, mais tapent dans l’oreille de quelques britanniques qui vont garder Steve à l’œil.
Rien de bien sérieux malgré tout. Surtout que derrière ça, Wold est secoué par une méchante crise cardiaque. Remis sur pied, mais les idées un peu noires, il rejoue ici et là, sans retrouver la flamme. Jusqu’au jour où des promoteurs irlandais lui proposent de venir chanter à Belfast. Lui hésite, eux insistent, et sa femme, qui le voit tourner en rond, le pousse finalement à se lancer dans l’aventure.
En Irlande, seul sur scène, Seasick Steve fait un tabac. De retour en Norvège, Elisabeth lui suggère de s’enregistrer. C’est ce qu’il fait, pour qu’elle ait un souvenir, au cas où… Et il s’installe dans leur cuisine, devant un vieux micro des années 30 branché directement sur un magnéto quatre pistes. Cela donne treize titres sur des guitares bricolées, avec des cuillères entrechoquées et, de temps en temps, son fils à la batterie qui joue dans la pièce d’à côté.
Bronzerat Records va en faire le premier album solo de Seasick Steve, « Dog House Music », qui parait en novembre 2006. Dans la foulée, Joe Cushley, le DJ de l’émission Ballin’ The Jack Blues Show sur la web radio londonienne Resonance FM, passe les titres de ce type dont il se rappelle avoir fait la connaissance par hasard. Quelques jours plus tard, la BBC téléphone à Steve pour l’inviter à venir interpréter son « Dog House Boogie » en direct dans le show du jour de l’an de Jool Holland, le New Year’s Eve Hootenanny. Et là, tout va changer.
Son passage fait un malheur, dans le studio comme à l’antenne. L’extrait vidéo met aussitôt le feu à Internet et, de bouche à oreille, les surfeurs découvrent avec avidité les titres bien ficelés de ce drôle de bonhomme au regard malicieux, armé d’une guitare saturée de fuzz et qui tape du pied sur une espèce de boite à chaussure. Le culte est en marche et le site de Steve explose sous les connections.
L’album dépasse les 150 000 exemplaires. Seasick Steve devient le nouveau venu le plus âgé jamais révélé en terre britannique, toutes catégories confondues. 2007 confirme la percée anglaise et il est désigné révélation de l’année aux Mojo Awards. Il truste désormais les affiches des festivals rock (Reading, Leeds, Glastonbury,…). Sa popularité continue de faire le tour du net et, à partir de 2008, des scènes du monde entier commencent à réclamer le vagabond bluesman, sa bonhomie joviale et son groove irrésistible.
On le retrouve au Japon, en Australie, en Europe,… Du coup, la bougeotte le reprend. Avec sa femme et ses cinq fils, ils refont un aller retour avec l’Angleterre avant de s’installer à Norfolk, pour une rentrée au pays qui ne fixera pas complètement ces voyageurs qui comptabilisent cinquante neuf lieux de résidence à leur compteur.
En 2008, une major propose un contrat à Seasick Steve. Warner Music sort en octobre 2009 l’album « I Started Out With Nothin’ And I Still Got Most Of It Left ». La veine est la même, les moyens un peu plus consistants. Steve est soutenu par la batterie de Dan Magnusson, qui l’accompagne souvent sur scène. Quelques célébrités font même une apparition : la voix de Nick Cave et la guitare de KT Turnstall. Le tout reste très roots, avec quelques touches gospel qui viennent patiner la rugosité générale.
Même si sa musique ne s’étale pas au grand jour, ce deuxième album dépasse les 200 000 exemplaires et 2009 confirme le succès de Seasick Steve auprès d’un public jeune arrivé jusqu’à lui par le la vogue des minimalistes punk blues (White Stripes, Black Keys,…).
Du coup, le camping-car de Seasick Steve continue de se faufiler entre les luxueux bus de tournée des rocks stars, sur les grands festivals européens. De Hyde Park au Royal Albert Hall, l’homme à la casquette de golf poursuit son marathon des scènes anglaises. Il est devenu un des meilleurs remplisseurs de salles des îles britanniques. Au milieu de la prolifération des groupes suréquipés c’est souvent lui qui remporte le morceau, avec des boogies malins accrochés à des riffs aussi répétitifs que saturés, et des blues à l’ancienne, profonds et acoustiques, tirés à coup de slide bruissante, le tout sur des instruments customisés, plus pittoresques les uns que les autres.
Malgré ce succès, l’ancien hobo conserve ses habitudes de vieux loup solitaire et garde jalousement des manières marginales, devenues par ailleurs sa marque de fabrique. C’est ainsi que, nominé aux Brit Awards, Seasick va se détendre juste avant la cérémonie dans les couloirs du métro londonien où il joue deux morceaux et ramasse quelques livres avant de déclarer filer à la soirée pour boire un bon coup, sûr qu’il est de ne pas avoir de discours à faire.
L’ancien clochard, devenu la coqueluche des shows branchés, fait même l’objet d’un documentaire sur BBC 4, “Seasick Steve: Bringing It All Back Home”. Tout le monde est suspendu aux histoires qu’il raconte avec une gouaille sans pareil et qui fleurent bon des aventures d’un autre temps. C’est justement sous le titre de “Man From Another Time” que son troisième album sort en octobre 2009.
Au fil des shows, Seasick Steve a peaufiné une mythologie personnelle impeccable. A commencer par l’histoire de sa guitare, une Fender Coronado dont il a enlevé la moitié des cordes pour donner assez d’espace à son jeu sursaturé. Cette « Three String Trance Wonder » qui, à ce qu’il raconte, lui a coûté 75 $ alors qu’elle n’en valait que 25, mais à laquelle il doit son succès parce qu’elle est ensorcelée ! Un ancien propriétaire, peu familier avec les choses de l’au-delà, l’avait abandonnée pour cette raison – et sans rien en révéler – au magasin de bienfaisance où son revendeur l’avait récupérée. En réalité l’objet décorait le mur d’un de ses amis avant qu’il ne lui en fasse cadeau ! Même Tommy Johnson, l’inventeur originel du coup du diable donnant des leçons de blues à des carrefours obscurs, n’avait pas pensé à celle-là.
Le public, lui, est subjugué, harponné par le beat hypnotique, chamboulé par les blues mélancoliques chantés de cette voix traînante et enrouée, battue par le vent – un “mélange de gravier et de mélasse” – qui donne à ses histoires une résonance à vous retrousser la peau.
Désormais Seasick Steve s’est fait une place bien à lui dans le paysage musical. Quelque part entre une tradition blues qu’il ne revendique pas – mais pratique avec un savoir faire qu’on croyait oublié – et une mythologie routarde dont il possède toutes les clés.
Arrivé du diable vauvert, Seasick Steve remplit aujourd’hui les bacs blues des disquaires et fait chauffer les moteurs de recherche sur la toile. Il prend ce succès comme il vient, et pour ce qu’il est, imprévisible et éphémère. Le vieux routard sait de quoi la vie retourne et ne se laisse pas complètement embarquer. En attendant, l’ancien hobo peut maintenant se payer la première classe.
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