Rory Gallagher

Rory Gallagher Rory Gallagher
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On prête à Jimi Hendrix, en réponse à un journaliste qui lui demandait ce qu’on ressentait lorsqu’on était le meilleur guitariste du monde, d’avoir répondu : « J’en sais rien, il faut demander ça à Rory Gallagher ! ».

Du blues plein les pognes. Et une âme qui en débordait. Au point de se demander si elle n’était pas passé par le Delta avant de s’incarner, un jour froid de 1948, dans un petit patelin perdu de l’Ulster. Un coin, justement, où quelques siècles plus tôt les anglais expérimentaient leurs premières ….plantations afin d’installer leurs colons sur les terres confisquées à leur voisin du nord !
Avant Gallagher, on savait déjà qu’un blanc doué, baigné dès son plus jeune âge dans l’ambiance adéquate et bénéficiant de chanceuses rencontres initiatrices était capable de reproduire un blues confondant de vérité. Mais qu’un visage pâle, fut-il celte, totalement autodidacte, sans autres repères que des tablatures à cent sous et les émissions de radio des bases américaines, se révèle habité à ce point par la musique du diable, on n’avait jamais vu ça.
Une vague génétique musicale, mais aucun catéchisme, aucune source directe. Rien pour expliquer Gallagher, si ce n’est cette âme, incandescente et bleue. Une âme qui aurait fait le Grand Voyage, remonté le cours du Mississippi, séparé le celte du zydeco, retrouvé aussi bien les rivages d’Afrique que les galions irlandais pointés vers l’Amérique.

Pendant près de 30 ans la guitare de Rory Gallagher va livrer un cocktail incomparable. Empruntant parfois à des langages musicaux totalement étrangers les uns aux autres. Des montages harmoniques iconoclastes, des collages improbables – folklores ancestraux, errances jazz, teintes folk, saturations rock- et des innovations délurées qui vaudraient largement l’excommunication. Et pourtant le blues sera toujours là, au centre, obsédant, essentiel. Parce qu’à travers Gallagher, ce n’est pas une réplique du blues que l’on entend, mais son écho qui nous atteint.

Enfant de la génération rock’n’roll, dégrossi par le skiffle et rôdé dans un orchestre de bal, Rory s’est construit, seul, à l’abri du monde, puis s’est fait un nom en pilotant Taste, le troisième des « power trio » célèbres des sixties – avec l’Experience d’Hendrix et le Cream de Clapton – tous créés l’espace du même été 1966 ! Le moins flamboyant, certes, mais le plus radicalement blues.

Le groupe implose en 1970, après trois albums d’une densité crue, au seuil d’une gloire promise. Gallagher conserve la formule et ce vrai timide assume dorénavant sous son nom un rock de plus en plus chargé de blues quand tant d’autres voyagent en sens inverse. Il vivra dès lors sa musique totalement, enregistrant et tournant sans relâche. Et la ligne sera toute droite, jusqu’au bout, sans concession.

L’art de Rory Gallagher s’exprime avec le même bonheur sous tous les angles de la guitare blues. Un jeu impétueux, débordant d’inventivité, dense et explosif. Mais jamais de dégoulinures. Que ce soit au milieu d’un essaim d’harmoniques, de larsen infernaux ou encore dans le ferraillage inventif d’une dobro portée au rouge, l’expression est toujours claire et la dynamique exceptionnelle. Bottleneck au doigt, il produit une variété d’effets glissés proprement sidérante. Avec la mandoline, le sax et l’harmonica, ainsi que cette voix passée au whisky, qui claque et gémit, c’est une formidable palette de sons qu’offre l’irlandais lors de ses débauches musicales.

C’est donc logiquement en concert que Rory Gallagher donne sa pleine mesure. S’il concocte d’excellents albums studio (« Deuce » en 1970, « Blueprint » et « Tattoo » en 1973, « Calling Card » en 1976, « Jinx » en 1982), ce sont ses « lives » qui le placent hors de portée de toute concurrence. « Live In Europe » (1972) et par-dessus tout l’exceptionnel « Irish Tour » (1974), représentent des sommets de fougue, de sincérité, d’intensité et de technique. Les vidéos de ces concerts sont des passages obligés pour tout amateur de blues. Il n’existe aucun témoignage de tourbillons d’improvisation d’une telle puissance émotionnelle.

30 millions de disques vendus et des milliers de concerts mais une vie solitaire, sans femme ni enfant. Et si peu d’amis. Puis ce corps, progressivement détruit par l’alcool et quelques autres additifs, qui le lâchera à 47 ans. Artisan farouchement indépendant, refusant les cages dorées – Stones, Canned Heat, Deep Purple l’ont sollicité en vain – l’homme aux rouflaquettes a vécu sans compromis, juste le temps de jeter dans la bataille son blues aveuglant.

Parce qu’il n’apparaît pas forcément en tête des inventaires grand public, tous ceux qui le découvrent en sont d’autant plus abasourdis. Le troubadour gaëlique reste pour beaucoup, aujourd’hui encore, un fabuleux trésor à découvrir. Pour les autres, ceux qui savent, le culte n’a pas faibli d’un pouce.

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