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S’il n’était que l’auteur de ce « That’s All Right» dont la reprise fulgurante révèle au monde, en 1954, un inconnu du nom d’Elvis Presley, Arthur Crudup mériterait déjà une place au panthéon des musiciens. Le créditer pour cette contribution autant accidentelle qu’historique du titre de « père du rock’n’roll » a sans doute été abusif. Pourtant, s’il fallait en retenir un seul géniteur, Crudup serait un sérieux prétendant. Il a inauguré, au début des années 40, une façon de jouer le blues que nul autre ne pratiquait et que Presley a largement reproduite pour mettre au monde le rockabilly.
Pourtant, Arthur Crudup a failli ne jamais devenir musicien. Travaillant très tôt pour survivre, il ne décide qu’à 32 ans d’apprendre à jouer de la guitare. Monté à Chicago en 1940, il est vite réduit à vivre et chanter dans la rue. C’est là que Lester Melrose, producteur chez RCA, le découvre par hasard et l’engage aussitôt.
De 1941 et 1954, il demeure un des piliers du label Victor/Bluebird malgré un contexte peu propice (guerre et évolution des goûts du public) qui met fin à nombre de carrières de bluesmen. Il signe dès 1942 deux grands classiques, « Rock Me Mama » et « Mean Old Frisco », un des premiers blues électriques. Plusieurs de ses titres seront régulièrement repris par les grands noms du blues et du rock, de BB King aux Beatles, Presley tirant quant à lui deux autres succès, « So Glad You’re Mine » et « My Baby Left Me », du répertoire de Crudup.
Musicien autodidacte, Arthur Crudup est doté d’un jeu sommaire mais original qui s’avérera la clef de sa réussite. Son chant enlevé tranche avec la tradition rurale et sa rythmique mêle de façon innovante la syncope du Delta et les bondissements du rhythm’n’blues. Ajouté à cela une association inédite et visionnaire – guitare, basse, batterie – qui tonifie ses morceaux, et seule la couleur de sa peau limite le succès d’Arthur Crudup à la catégorie « race records ».
Mais la réussite n’enrichit pas Arthur Crudup qui ne percevra jamais les droits d’auteurs de son oeuvre. Malgré quelques réapparitions, il meurt dans la pauvreté en 1974 (1976 selon certains). Clin d’œil cruel de l’histoire, son premier succès pour RCA s’appelait « If I Get Lucky » mais il quittera cette compagnie sans le sou. Et le comble sera qu’un autre y fasse bientôt fortune en partie grâce à lui.