Johnny Winter

Winter Johnny Winter
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Si la couleur de la peau et les origines déterminaient le talent des hommes, alors Johnny Winter, né albinos, fils d’un patron de plantation au Mississipi, aurait été le dernier sur terre capable d’exprimer le blues ! Il sera pourtant, en 1988, le premier blanc intronisé au « Blues Hall of Fame ».

Johnny Winter est un cas extrême de succès fulgurant. Fin 1968, il passe de l’anonymat le plus total à l’état de révélation mondiale en moins de quinze jours.

La clé de sa réussite ? Un cocktail de blues pur coton et de rock dur qui s’est immédiatement enflammé au contact des milieux branchés new-yorkais. La recette est inédite aux USA : sur un fond bien charpenté de cordeurs intensifs (Lightnin’Hopkins, John Lee Hooker), deux doigts des meilleures cuvées de Chicago (Muddy Waters, Howlin’Wolf,), une rasade de down home originel (Son House, Blind Lemon Jefferson), le tout recouvert d’une bonne couche de … Cream, origine british blues garantie.

Nourri aux 12 mesures, musicien de studio dès son adolescence, Johnny Winter gagne sa légitimité auprès des plus grands bluesmen, B.B.King et Muddy Waters. Mais alors que c’est en tant que chanteur qu’il se cherche encore un style dans les charts régionaux, c’est le guitariste qui met soudain tout le gratin international à ses genoux.

A un moment où le blues semble passé de mode, Johnny Winter en imbibe trois albums incandescents (« Johnny Winter», « Second Winter», « Johnny Winter And») et va se révéler le porte flambeau du genre dans la fournaise rock’n’roll du début des seventies.

Les festivals se l’arrachent et les foules lui réclament leur dose d’adrénaline bleue. Le bon côté de la chose, c’est que Winter, aussi à l’aise à la slide électrique, ou sur une National Steel, qu’à la tête d’un mur d’amplis, arrive à se frayer un chemin novateur entre sa fidélité aux anciens et la course aux armements imposés par la vogue des « guitare héros ».

Si le compromis est payant, il s’avère aussi dangereux. C’est un Winter en sur-régime, tiraillé entre des forces contradictoires qu’il s’épuise à concilier, qui sombre à plusieurs reprises entre drogue et dépression. Chaque fois il reviendra, mais finalement sans jamais atteindre la gloire que beaucoup lui prédisaient. Pour lui l’important n’est pas là. Après 40 ans de carrière et autant d’albums, il est devenu ce qui compte le plus à ses yeux, une référence du blues moderne.

Winter, c’est l’école texane, un son dense, une attaque agressive, un jeu vorace et flamboyant, un brin crâneur. Albert Collins, Freddy King – auquel il emprunte l’attaque de la corde au pouce – Billy Gibbons ne sont pas loin. T-Bone Walker non plus, dans la variété métrique de ses solos. Mais au-delà, Winter, c’est cette ligne de fuite permanente entre rock et blues, jusqu’à ce point où on ne sait plus trop quand commence l’un et quand finit l’autre.

Sa voix, elle, est un cri blanc, rêche, proche de la déchirure. Elle dérange l’oreille distraite parce qu’elle expulse la même souffrance, les mêmes frustrations que celle d’un Charley Patton ou d’un Elmore James.

S’il écrit peu, il sait admirablement extirper la part de blues de standards rock qu’il transfigure (« Johnny B.Goode », « Highway 61Revisited », « Jumpin’ Jack Flash »,..) ou, à l’inverse, doper les morceaux les plus traditionnels aux anabolisants post-sixties (« Mean Mistreater », « When You Got A Good Friend »,..).

« Johnny Guitar » a aussi ses détracteurs. Avec lui, il n’y a pas de milieu, on adore où on déteste. La seule certitude, c’est qu’il ne laisse pas indifférent.

Pour éviter de passer à côté, il n’ y a pas trente six manières de l’écouter. Soit ne pas chercher à comprendre, accepter l’impact et s’abandonner à son criblage intensif jusqu’à ce qu’il vous laisse pour mort. Ou alors, prendre le taureau par les cornes et s’accrocher dans le labyrinthe infernal des frettes de sa Gibson Firebird. Une fois revenu sur terre, dans le premier cas, l’envie revient vite de remettre ça. Dans le second, si vous réussissez à le suivre, vous aurez forcément découvert une expérience inoubliable. Car là où la plupart des guitaristes post soixante-huitards sacrifient la qualité à la quantité pour livrer du vrac sans émotion, Winter lui, est capable de faire vibrer, pleurer ou crier chacune des notes du déluge de fer qu’il abat sur son auditeur.

D’abord destiné à remplir les stades, ce long escogriffe quasi transparent, devenu guitare héros tatoué presque malgré lui, était finalement trop éclectique pour les foules. C’est en restant fidèle au blues qu’il a gagné la considération de ses pairs, conjurant au passage tous les démons qui ont détruit ses alter ego, Jimi Hendrix, Duane Allman et autres Stevie Ray Vaughan, tous autrement gaillards mais finalement tombés quand lui vacille mais joue toujours.

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