Copeland Special

Copeland Special Johnny Copeland
huile-toile, 61x50

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Après avoir passé vingt ans sur les circuits, tâté du jab sur les rings texans et laissé derrière lui quelques singles cantonnés dans les bacs des radios locales, Johnny Copeland s’est pointé dans la cour des grands au tournant des années 80. Le problème c’est qu’à l’époque le disco avait sacrément amolli le terrain. Pas vraiment une aubaine pour un puncheur. Il allait falloir attendre et le « Texas Twister » n’avait pas tant de temps que ça devant lui. Son père lui avait légué sa guitare mais aussi une vilaine anomalie cardiaque. Lui qui avait un cœur gros comme çà !

Copeland, c’est Stevie Ray Vaughan qui aurait choisi la face soul. Faisant foin des tentations rock, ce texan d’adoption campe résolument entre le funk du rhythm & blues néo orléanais et le swing du jump blues de Kansas City. La dynamique qu’il insuffle à son jeu marie ces deux puissants foyers. Une attaque de cordes qui dévore le tempo, un vibrato déclenché niveau poignet – l’école B.B. King, doigt vrillé à la frette – et, côté voix, une ampleur proche de la ferveur gospel.

Dans la lignée des maîtres du Texas blues, Copeland fait partie de cette génération de l’après guerre qui, avec les Johnny « Guitar » Watson et Albert Collins, applique à la tradition régionale – lignes de guitare extraverties, usage intensif de l’appel-réponse, alternance d’ambiances délurées et de ruminations introspectives – les dernières conquêtes rythmiques du jazz et du rock’n’roll, le tout volontiers baigné dans des arrangements hérités des quartiers chauds de Memphis, voire dans les vapeurs voodoo de la Nouvelle Orléans.

A l’instar d’un Collins et de son art du chaud froid, Johnny Copeland s’est construit une vraie identité. Il délivre des lignes mélodiques fouillées, travaillées à la manière d’un trompettiste – elles fourmillent de tonalités subtiles – qui tracent de longues sinuosités le long desquelles les notes semblent d’abord glisser comme un ballet feutré de belles limousines sur une route ombragée avant que les chevaux ne s’emballent, enchaînant bientôt embardées, tête à queue et diverses autres sortes de tours spectaculaires.

Copeland n’a jamais fait les choses à moitié. L’homme se donne à fond, compose, joue et chante avec un égal talent, aussi bien sur des titres lents, des ambiances réfléchies et concernées (« A Greater Man », « Around The World », « Nature Song ») qu’à l’occasion de tranches de haute énergie livrées avec une élégance impeccable jusque dans leurs recoins les plus débridés.

Longtemps cantonné aux circuits secondaires du Sud, c’est en s’expatriant à New York que Johnny Copeland va imposer sa griffe. Les dieux du blues lui sourient enfin. Son « Copeland Special » (Rounder, 1981) fait grand bruit et il se retrouve dans le bon wagon lorsqu’en compagnie d’Albert Collins et de Robert Cray, il intègre un trio phare du dernier retour de flamme du blues (« Showdown », Alligator – 1986). A partir de là, Johnny Copeland enchaîne les scènes de gala et répand largement sa part incandescente de la « fierté d’âme » texane.

Son passage par l’Afrique achève de forger une personnalité ouverte sur le monde et dotée d’une volonté farouche de rejoindre les fils d’un blues étiré entre ascendances nébuleuses et progéniture agitée. D’où un répertoire audacieux, des tentatives parfois aventureuses de marier tradition et modernité. Et un éclectisme qui le fait jouer avec Randy Weston tout aussi bien qu’aux côtés de Buckwheat Zydeco.

Mais un cœur défaillant laissera peu de temps à Johnny Copeland. Quelques années qu’il ne va pas brader, jouant jusqu’à la rupture, affolant la médecine, bien décidé qu’il est à plonger jusqu’au bout les étreintes soul et l’ardeur boogie’n’roll de son blues dans les ambiances enfiévrées qu’il affectionne, cajun, africaine, mexicaine ou créole. Il disparaît à 60 ans, musicalement en plein forme.

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