Robert Lockwood Jr.

robertlockwood-jr Robert Lockwood Jr
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Robert Lockwood Jr était un homme particulièrement bien élevé. Dans tous les sens du terme.D’abord cette éducation blues sur mesure reçue, au début des années 30, par le plus légendaire d’entre tous : Robert Johnson en personne.
Ensuite cette élégance absolue, démontrée tout au long de sa carrière, de n’avoir jamais chercher à exploiter, ni même simplement mettre en avant, cette extraordinaire rencontre de jeunesse.

Il a 11 ans et Johnson seulement 15 lorsque ce dernier devient l’amant intermittent de sa mère. Ca se passe du côté d’Helena où les deux vivent seuls. Pendant dix ans Robert Johnson sera un hôte régulier, séjournant souvent là entre deux virées musicales.

C’est à cette aune que s’aiguise le goût pour la guitare du jeune Lockwood. Quant à Johnson, d’ordinaire si jaloux de son jeu, il ne rechigne ni à prêter sa guitare ni à prodiguer ses conseils à un gamin apparemment doué. Et les voilà bientôt comme des frères, à parcourir ensemble les routes de l’Arkansas pour jouer la musique du diable.

C’est comme çà qu’à 15 ans, Robert Lockwood Jr se retrouve musicien professionnel.Il sait même si bien copier son modèle qu’on raconte qu’un dimanche après-midi (certains penchent pour un samedi soir) où chacun s’était posté d’un côté du pont qui enjambe la Sunflower près de Clarksville, une foule s’était rapidement amassée car la rumeur avait couru que Robert Johnson allait se produire à cet endroit. Les deux jeunes hommes jouèrent chacun sur sa rive et personne ne su distinguer lequel était le vrai Johnson. Il se dit même qu’ils empochèrent chacun 15 dollars, à 40 cents près.

Après la mort prématurée de Robert Johnson, Lockwood Jr poursuit son propre chemin. Sans oublier son mentor – il encourage ses pairs à jouer ses titres – mais sans rester non plus dans l’ombre unique de ce géant.

Il fait équipe avec Sonny Boy Williamson II (Rice Miller), met un peu de jazz dans son jeu, inaugure au début des années 40 le blues à la radio et la guitare électrique dans le blues. A l’aube des fifties il rejoint Chicago, intégrant la poignée de musiciens qui accompagnent Muddy Waters, Howlin’ Wolf et Little Walter lors des enregistrements historiques de Chess qui vont faire de cette ville la capitale du blues de l’après-guerre.

Bien que très actif, au sein de multiples formations aussi bien qu’à la tête de son propre groupe, ce n’est pourtant qu’en 1970 qu’il enregistre chez Delmark son premier album personnel, « Steady Rollin’ Man ». Il n’en réalisera en studio que neuf au total, malgré une carrière d’une durée exceptionnelle de 65 ans !

Pourtant, de la même façon qu’on ne peut cantonner Robert Lockwood Jr au seul rôle de liquidateur testamentaire d’un fabuleux héritage, il serait tout aussi réducteur de ne voir en lui qu’un accompagnateur prestigieux. C’est avant tout un musicien au jeu original.

Plus encore que quelques secrets de fabrication, Lockwood Jr a surtout hérité de Johnson ce goût de la recherche permanente qui avait permis à ce dernier de révolutionner en son temps la guitare blues en y introduisant des accords et des changements de rythme comme on n’en avait jamais entendus.

En cherchant à utiliser sa culture jazz dans son expression du blues, Robert Lockwood Jr va finalement poursuivre la voie tracée par Robert Johnson.
Lockwood Jr est un harmoniciste au touché soyeux, maître d’un picking haute définition qui gomme la rugosité des titres traditionnels tout en conservant leur dynamique. Pas vraiment le genre juke joint. Il peut donc déconcerter les amateurs de sensations fortes. Mais cela rend son blues accessible à toutes les oreilles, ce qui n’est pas la moindre de ses contributions.

Son originalité aura aussi été de ressortir de l’oubli l’usage de la guitare 12 cordes pour jouer le blues. On n’avait pas pratiquement jamais vu ça en dehors de la Georgie et, à ce niveau, depuis Too Tight Henry quand il officiait au côté de Blind Blake, plusieurs décennies plus tôt.

Que ce soit avec sa toute première Guild ou la Gretsch Country Gentleman façon Chet Atkins, cette instrumentation insolite est restée sa signature. Une gageure si on imagine devoir pousser deux cordes en travers des frettes. Mais on peut noter au passage que Johnson lui-même n’usait que très parcimonieusement de cet effet de torsion pourtant si cher au blues du Delta. Pas étonnant donc que Lockwood Jr ait fini à son tour par exclure le tiré poussé de son arsenal.

Derrière une allure un tantinet professorale, Robert Lockwood Jr était un esthète be-bop au pays bleu. C’était surtout un homme sage qui n’a jamais dérogé de son style pour tenter de saisir les modes, privilégiant la qualité à la lumière. Un impitoyable artisan qui a continué d’inventer jusqu’à son dernier souffle de nouvelles phrases mélodiques à placer sur des vieux morceaux de son patrimoine.

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